A propos du stage de Narbonne :
un mouvement en spirale de l’action à la réflexion
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son cœur. (1)
Ces vers d’Aragon traduisent mon trouble à l’issue de la première journée de stage. Je pensais la démarche instruite par Raymond CATTEAU comme installée, ordonnée dans ma propre démarche comme le sont les passages obligés dans le traitement didactique ; il en fut tout autrement. Que ce soit le thème portant sur l’analyse fonctionnelle du nageur ou celui de l’opportunité des passages obligés, j’étais en défaut de connaissances alors que je pensais en être prémuni ; d’autant que Mauro déclarait : « je n’ai pas de passages obligés » (2), achevant de me déstabiliser. N’avais-je rien compris, ni assimilé les écrits de Raymond CATTEAU ? Ma pratique s’en écartait-elle au point de trahir, de travestir sa pensée ?
Les allers-retours de l’action (pratique pédagogique) à la réflexion ont sans doute, pour la suite du stage, étaient déterminants dans le fait d’agir plus efficacement et de comprendre. Mauro n’a eu de cesse de solliciter les entraineurs afin d’exprimer leurs besoins : exigence indispensable pour qui veut progresser. Les informations et les apports théoriques ou pratiques qui nous étaient distillées par Raymond et Mauro avaient pour visées de nous aider à trouver des propositions et des solutions par nous-mêmes. Cette volonté fut une constante de la part de nos deux formateurs. L’on peut dire qu’elle s’est traduite jusqu’à la réflexion et à un positionnement philosophiques supplantant, englobant la démarche pédagogique : partir de l’individu et aboutir à la personnalité autonome. Le maître y a son importance mais sa place n’est pas première. Il ne transmet pas, il aide l’élève à se transformer. Les savoirs, les savoir-faire, les connaissances ne sont pas la finalité, ils sont le support nécessaire et indispensable pour la transformation de l’individu socialisé.
La démarche d’auto-socio-construction s’inscrit dans cette perspective. Elle est doublement exigeante. D’une part, nous ne prévoyons pas à l’avance les séances comme une liste d’exercices préétablie puisqu’elle part des besoins des nageurs ; d’autre part, elle postule une réussite en action des apprenants. Elle ne diffère pas les possibles progrès ultérieurement ; elle doit satisfaire et permettre leur accomplissement à chacune des séances. Faut-il pour autant croire que l’oracle pédagogue suffit à surgir en nous pour réussir, comme par magie ?
L’incorporation de connaissances diverses sont des outils de compréhension du réel. C’est pourquoi nous avons été confrontés à l’épreuve et à l’étude de textes : nécessité pour qui veut s’émanciper de la gangue intuitive, de l’idéologie. Mais plus encore les données extraites devaient devenir une aide pour la construction et l’analyse de notre pratique pédagogique. Ce fut par exemple le cas, après un exposé par Marine, d’un texte de WALLON sur l’observation.
Cependant la tâche est ardue car elle n’est pas une simple application dans notre pratique pédagogique. Elle nécessite une transposition nouvelle dans le dispositif pédagogique. C’est là, tout l’intérêt de la pédagogie de l’action qui incite à traduire ces données en réalisations originales. La pédagogie devient alors un art du possible qui consiste à se demander ce qui peut être introduit à la vie de l’élève et l’aider à progresser. (3). Les stratégies éducatives sont donc œuvre de l’entraineur.
Enfin, Maurice GODELIER, anthropologue, affirme que l’originalité des humains n’est pas de vivre seulement en société, elle est le fait d’autres sociétés animales. Ce qui les caractérise, c’est qu’ils produisent de la société. Ils sont les seuls à modifier leurs façons de vivre en société, à transformer leurs rapports sociaux. (4) Ce stage en est un exemple majeur et doit être un encouragement pour ceux qui désirent participer à l’aventure de l’enseignement de la natation.
Salut fraternel à tous mes collègues de stage. Merci à Louis, organisateur du stage et qui m’a permis de participer. Merci à Mauro et Raymond pour leur dévouement, leur disponibilité et leurs compétences.
Serge
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ARAGON, Il n’y a pas d’amour heureux.
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A la fin du stage Mauro reconsidérait ses propos. Il affirmait que les passages obligés étaient nécessaires mais qu’il n’y avait pas d’ordre obligé des passages obligés.
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Interview donnée par Georges SNYDERS pour la sortie de son livre « Ecole, classe et lutte des classes », PUF
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Maurice GODELIER « Au fondement des sociétés humaines », Albin Michel.