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CONVEGNO CHIANCIANO 2002 - Raymond CATTEAU

 

DE LA PEDAGOGIE A LA TECHNIQUE

La réalité française se confond vraisemblablement avec celle de tous les pays : quelques espaces de lumière au milieu de larges zones d'ombre.

En grande partie auteur et témoin de l'originalité de la natation française dans la seconde moitié du siècle qui vient de s'écouler, je voudrais tenter de vous rendre intelligibles les conditions d'une pratique efficace dans la formation des nageurs

L'enseignement à l'école (pour tout le monde) ou au club (pour ceux qui visent la haute performance) obéit aux mêmes contraintes, procède des mêmes ressources.

Pour évoquer la problématique du développement de la natation (qualitatif et quantitatif), je vous propose un thème commun aux formateurs et aux entraîneurs =

"Quelle conception de la technique pour quelle pédagogie ?"

 

Ce que l'on enseigne est inséparable de Comment on enseigne; contenus et pédagogie se conditionnent réciproquement. On les trouve sous forme banale et coutumière ou experte et savante.

De façon tout à fait légitime chacun voudrait acquérir le plus haut niveau d'expertise comme en témoigne la présence des participants à ce "1° Convegno della F.I.N."

Mais, si l'on en croit un chercheur :

"l'expertise ne peut s'enseigner par cours théoriques, elle passe par une pratique innovante"

Les responsables techniques de notre fédération partagent désormais cette idée que ce n'est pas en imitant que l'on fera mieux que les autres mais en s'y prenant autrement.

Qui s'inscrit dans ce changement ? Ce sont d'abord des personnes impliquées dans des clubs et le premier en date de ceux-ci est italien; il y en a aussi quelques uns en France, et depuis quelques années des nageurs des équipes de France et leurs entraîneurs. Les régions comme la grande majorité demeurent massivement dans la routine de leurs pratiques.

Comment changer ? à travers l'usage et la fabrication d'outils =

  • ceux qui vont permettre d'envisager la complexité et la genèse : en substituant la vision systémique à la méthode analytique (Cartésienne)

  • en resituant l'objet étudié dans un ensemble qui lui donne son sens, par exemple dans "l'acte pédagogique"

  • en dépassant les apparences par la construction de modèles du "réel". Ce qui ressemble toujours à une révolution copernicienne.

  • en soumettant systématiquement le fonctionnement des modèles à l'épreuve des faits (de la pratique).

 

Pour illustrer ceci, nous allons prendre l'exemple du passage de la technique descriptive à la technique fonctionnelle à propos de la propulsion du nageur.

La technique traditionnelle appartient à la logique du concret. Cette dernière entraîne des dérives lorsque l'idéologie se subordonne à la technique et que les disciplines de référence sortent de leur contexte.

Nous voyons souvent des données de la "cinématique" inférer des conclusions qui ressortent de la "mécanique".

L'exemple de la trajectoire des mains est très révélateur de ces aberrations.

  • coexistence et non contradiction (voire complémentarité) des référentiels pour comprendre le fonctionnement de la propulsion.

  • Le modèle du nageur : ne peut plus se limiter aux mouvements et la puissance de leur exécution; on peut le considérer comme "ensemble auto locomoteur ayant sa réserve renouvelable d'énergie, ses mécanismes intégrés de pilotage ( choix des trajectoires, régulation des vitesses) et coordination moteurs propulseurs au service de stratégies dans un substrat spécifique".

 

La construction du nageur (aspects didactiques et pédagogiques).

  • didactique : comment organiser (structurer) la natation pour la rendre assimilable par les apprenants. C'est (à l'image de celle d'un architecte qui conçoit la maison) la réalisation d'un plan avec les grandes étapes et les passages obligés. Les grandes étapes sont celles du corps flottant puis du corps projectile et propulseur. Les passages obligés dans chaque étape concernent l'adaptation nécessaire des ressources de l'apprenant aux contraintes du milieu (l'eau) .

  • pédagogique : cette dimension respecte les lois de l'apprentissage en prenant appui sur une activité authentique de ceux qui apprennent. Les émotions comme moteur de l'action concernent celles qui sont liées aux représentations (engloutissement, remplissage, etc…), celles qui accompagnent toute réussite et encourage à poursuivre, celles qui sont liées au statut et au rôle de chacun dans le groupe développant la personnalité inséparable de la socialisation.

 

On évoquera alors avec pertinence :

l'auto-socio-construction de sa natation par chacun (avec, par, pour les autres).

 

Principe : en fonction de ce qu'il est (biographie) et de ce qu'il a déjà construit, (capacités initiales), chacun progressera à son rythme et selon son propre cheminement.

Les congressistes intéressés pourront voir ce principe illustré dans le film Digne Dingue d'Eau (qui pourra être projeté durant ce Congrès).

Les outils pour une pratique de cette pédagogie = sont fournis avec

  • le principe d'action de nager

  • les niveaux de l'action du nageur

 

La mise en œuvre de ces propositions s'est toujours révélée d'une très grande efficacité à l'école aussi bien qu'au club.

Dans les relations entre la construction des contenus et leur enseignement il existe une totale hétérogénéité entre les référents traditionnels (concret, descriptif) et ceux qui rendent possibles les méthodes actives en pédagogie. Ils procèdent de deux logiques incompatibles

On peut donc affirmer que c'est la conception pédagogique qui subordonne la nature des contenus (la technique).

Le changement des référentiels suppose le passage d'une logique (celle du concret) à une autre (celle de la représentation du réel à travers la construction de modèles théoriques) . C'est pourquoi ils s'inscrivent dans l'option pédagogique et dans la durée (construction de la nouvelle logique). Le passage d'une forme à l'autre ne se décrète pas.

Toutes les questions, objections et demandes de précisions avant, pendant ou après l'intervention seront les bienvenues pour faire progresser le débat.

 

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Commentaires   

#1 raymond 12-10-2012 09:23
Entre le moment où des pratiques innovantes ou des informations et connaissances nouvelles apparaissent
et celui où elles commencent à modifier quelque peu nos pratiques il s'écoule beaucoup de temps ( soit entre dix et vint ans). C'est un fait constaté ! Cela s'est vérifié à propos du modèle à quatre poles ( Information - Orientation -fonction thoracique - Propulsion) des années 80 .
Faut-il préciser que le modèle actuel Corps Flottant - Corps Projectile - Propulseur a été proposé en 1992 !!! dans la Revue DIRE 42
Il est encore loin d'être massivement partagé.
Peut-être faudrait-il interpeller la formation des intervenants dans la construction des nageurs.
#2 David 16-10-2012 22:09
Dans la formation de D. nous abordons à présent ces notions de concret, réel et la nécessité du modèle scientifique et de bannir le "bon sens" dans la réflexion, dès le début d'année mais c'est un chemin qui met plus ou moins de temps à être parcouru selon les stagiaires, qui nécessite d'être passionné, et qui ne fait que prendre naissance dans la formation pour se construire plus solidement dans le quotidien de la vie professionnelle.

Pour reprendre la métaphore de la maison il vaut mieux me semble-t-il, permettre aux stagiaires de se construire des fondations uniquement mais des fondations solides plutôt que d'édifier un château de cartes.

Car nous proposons des questions ou les stagiaires nous demandent des réponses. La formation me semble donc être le temps ou le stagiaire parvient en premier lieu à se poser des questions qui lui sont renvoyées par sa pratique. Mais ce fonctionnement est à contre-courant complet avec le système scolaire français (de manière générale).

Pour ce qui est de l'évolution des conceptions je pense que 10 à 20 ans est optimiste pour la bonne et simple raison qu'il n'existe pas vraiment de formation continue, ni de lieu d'échange des professionnels entre eux.
Or c'est bien souvent le stagiaire qui s'avère être le porteur de cette nouveauté. Ce qui est donc paradoxal et qui met le stagiaire en difficulté, celle-ci étant bénéfique pour certains (l'incohérence entre les pratiques vues en stage et en formation suscite des questions), mais néfastes pour d'autres qui choisissent face au doute la quiétude du bon sens et des réponses héritées.

Pardon, vous n'avez pas le droit pour l'instant.