Membres supérieurs et membres inférieurs : identité des fonctions ?
« Un esprit qui n’est point curieux m’irrite et m’étonne »
Anatole France
Est curieux celui qui a un grand désir de voir, d’apprendre, de savoir. Notre auteur se serait-il insurgé de lire que la responsable du service recherche pouvait se satisfaire d’ « une intime conviction » ?
Le terme « conviction » : idées, opinions que l’on tient pour vraies et auxquelles on est très attaché prend un tout autre sens dans l’expression « pièce à conviction » : élément établissant la preuve évidente et indiscutable d’un fait.
Le fait qui nous interpelle concerne à la fois la formation et l’entraînement des nageurs. Une longue tradition liée probablement à la démarche pédagogique spontanée veut que l’on aborde ce apparaît d’emblée comme complexe en dissociant ses éléments. En les isolant avant de les regrouper ou les coordonner.
Comme toute autre locomotion, l’activité natatoire mobilise dans son fonctionnement les membres supérieurs et les membres inférieurs. Cette mobilisation simultanée implique-t-elle une identité des fonctions ? La course à pied nous semble être une référence intéressante en ce sens qu’elle est originale en ce qui concerne son acquisition, son fonctionnement et dans certains cas son entrainement.
Des FAITS analogues peuvent être relevés : on court plus vite en mobilisant (spontanément) les membres supérieurs et inférieurs que si l’on entrave les membres supérieurs. On n’en tire pourtant pas la conclusion que « les membres supérieurs sont propulsifs en course à pied » ! On ne voit pas les entraineurs en athlétisme déclencher séparément l’entrée en jeu du train inférieur et du train supérieur de leurs élèves.
Selon les contrées, les climats et les « pédagogies » une priorité a été donnée dans la locomotion aux membres inférieurs pour repousser l’eau (nage des terriens dans l’eau, à orientation oblique du corps pour préserver la sortie de la tête) ou une nage plus économique avec le corps plus à plat utilisant les membres supérieurs de manière cyclique pour pulser l’eau. Dans les deux cas, la sortie de l’eau de la tête entraine un enfoncement des membres inférieurs contradictoire avec une poussée efficiente des membres supérieurs dans les nages alternées. Spontanément, dans un processus d’équilibration (remettre le corps à plat), les membres inférieurs subordonnés aux actions cycliques des membres supérieurs déclenchent des battements.
Lorsque l’on réalise isolément des battements de jambes on constate qu’ils propulsent le corps. L’usage d’accessoires pour « immobiliser les membres supérieurs » permet curieusement d’accroitre le rendement des membres inférieurs.
Je dois à la complaisance de Richard, la récolte des données qui suivent et interpellent « l’esprit curieux ». Le protocole était le suivant :
Il s’agit de chronométrer plusieurs manières de parcourir (en bassin de 50 m.) un déplacement jambes seules à vitesse maximale :
- sans matériel, bras dans le prolongement du tronc sans ondulations sous la surface
- avec planche tenue par son bord le plus proche du nageur
- avec planche tenue par son bord le plus éloigné.
On admettra que la poussée initiale au mur sera équivalente mais si cela ne te pose pas de problèmes départ sans contact avec le mur.
La question posée à nos lecteurs : Comment expliquez vous le fait que l’utilisation de la planche accroisse la vitesse de déplacement ?
Direz-vous que la planche est propulsive ?
N’hésitez pas à réagir (votre anonymat sera respecté si vous le souhaitez)
A tous merci
raymond
Commentaires
Hypothèse: Tenir la planche loin du nageur implique une meilleure immersion du nageur. Conséquence, une réduction du maître couple et donc des résistances.
En matière d'immersion, nous nous retrouvons dans le même cas que faire des battements sans planche. Maintenant pourquoi les battements avec planche loin du nageur sont plus efficace que les battements sans planche ?. Une autre hypothèse; la planche joue un rôle d'équilibration aux fortes contraintes engendrées par les battements !
Il semble que le gain de vitesse doive être attribué soit à une diminution des résistances,
soit à un accroissement de la puissance disponible.
Si nous isolons les paramètres, nous constatons que la tenue de le planche (sans les battements)
a pour effet d’enfoncer les membres inférieurs, ce qui dans le déplacement augmenterait la résistance.
Faut-il suivre la piste de la puissance ?
Si nous retenons la dernière hypothèse, la notion et la fonction d’équilibration sont à expliciter.
Il y a équilibre lorsque les forces s’annulent.
Quels sens attribuer à « équilibration » ?
Une piste : quelles sont les causes susceptibles de modifier l’inertie ?
Poursuivons le débat.
La contre rotation de la ceinture scapulaire par appui de la planche. Elle permet au bassin de ne pas tourner lorsque les jambes lui appliquent des forces induisant un couple de rotation sur les hanches.
Jbes 2 vs Jbes 3 : Plus la planche est proche du centre de gravité, plus elle supporte le corps et l'assiste à réduire les résistances à l'avancement.
- y'a t-il un quelconque intérêt à travailler les jambes de cette façon ?
- est ce que les jambes en natation on exactement la même fonction que les bras en course à pieds ? Aucunement propulsif ?
les données demanderaient quelques précisions en plus concernant les battements sans planche : comment se sont ils pris les nageurs pour les faire? Tête constamment hors de l'eau (appui sur les membres supérieurs) ou tête dans l'eau et dégagement périodique des voies aériennes pour respirer? Et dans ce dernier cas, ce sera fait en appui sur les membres supérieurs (sortie frontale) ou en rotation autour du grand axe du corps (sortie latérale)? Car ces facteurs jouent sur les résultats présentés. Je crois comprendre que tenir la planche "par le bord le plus éloigné du nageur" signifie que le nageur place les deux bras sur la planche (dans ce cas là Flashey je pense que ton hypothèse se base sur une interprétation erronée du texte). Les battements de jambes avec les bras sur la planche, en dépit d'une augmentation du maitre couple, offrent les avantages suivants : facilité dans le maintiens d'une forme donnée et accès permanent à l'air sans effectuer de dissociations segmentaires, les deux étant donnés par l'appui stable (plus que par la planche tenue mains seules) sur un solide flottant. Maintenant, que voulons nous démontrer exactement par cette expérience?
Bonjour Giuseppe, Je crois que t'as raison, je me suis basé sur le tableau "prise pro", "prise loin" pour mes hypothèses. Voilà un autre cas d'école qui montre que l'on peut expliquer les choses en prenant les mauvaises causes !
Pour Jb : les bras et la ceinture scapulaire ne vont pas contraire la rotation du bassin du coureur, elles la favorisent par déverrouillage articulaire. La rotation du bassin n'est pas un désavantage à contraindre, puisqu'elle va dans le sens d'une meilleure liberté articulaire qui engendre une plus grande liberté de mouvement au niveau de l'action des jambes.
Concernant les membres inférieurs et l'équilibration, ce serait peut etre la peine de reprendre l'analyse de Roland Matthès que j'avais fait pour ce site il y a un an et qui se trouve normalement dans cet article (mais je ne sais pas si elle y est encore) : http://www.raymondcatteau.com/demarche4/pedagogie5/432-debattp1
- gain de vitesse planche petite prise vs sans planche dans 78 % des cas
- gain de vitesse planche en grande prise vs sans planche dans 89 % des cas
- gain de vitesse planche en grande prise vs planche en petite prise dans 89 % des cas
Si je fais remarquer cela, c'est que les exceptions m'interpellent et me font penser que peut-être il faut envisager le vécu des nageurs. Quelle quantité de battements avec la planche en grande prise les nageurs ont-ils déjà réalisés dans leur formation par rapport aux autres solutions ? N'ont-ils pas pour beaucoup d'entre eux déjà adapté leur propulsion par les membres inférieurs à cette situation de déplacement?
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