LE MODELE DE LA ROUE
En présence de la complexité, l’esprit curieux est tenté de se la représenter de manière accessible et intelligible. La locomotion du nageur n’est simple qu’en apparence ! Mobiliser les bras et les jambes doit dépasser leur simple agitation. Pour atteindre son objet, cette locomotion dans l’eau doit intégrer et coordonner l’entrée en jeu de plusieurs fonctions.
La création d’un modèle vise à comprendre non seulement le fonctionnement d’un ensemble, mais également comment sont organisés entre eux les éléments permettant ce fonctionnement : sa structure.
Une autre fonction du modèle est de prévoir ou prédire ce que l’on peut attendre du fonctionnement au-delà de ce que l’on en connaît déjà. Enfin, le modèle est indispensable pour construire rationnellement et efficacement ce qui pourra fonctionner au terme de l’entreprise.
Parce qu’il est la plus simple à analyser le crawl est devenu l’objet des recherches les plus nombreuses en natation. Pour leur part les actions des membres supérieurs qui jouent un rôle déterminant dans la performance ont concentré les observations.
Schématiquement, l’observateur voit des mouvements de chaque membre supérieur de type circulaire s’organisant autour de l’épaule et déclenchant une translation de l’ensemble auquel il relié.
Cette circumduction peut alors être comparée à la rotation d’un rayon autour de son moyeu.
Si l’on pense dans un premier temps que la main qui parcourt le trajet le plus long doit privilégier l’attention, on sera tenté de l’assimiler provisoirement à l’extrémité distale du rayon.
Décrire un mouvement dans l’espace et dans le temps, c’est le référer à un point fixe.
Ce point fixe pour une roue qui tourne peut être pris sur la roue elle-même et l’on choisira alors le moyeu ou son centre. Mais il peut tout aussi bien être pris en dehors et l’on choisira alors le sol ou substrat auquel la roue adhère.
Quelle sera la trajectoire de l’extrémité du rayon dans chaque cas ?
A cette question les représentations des participants lors des sessions de formation sont souvent loin d’être conformes à la réalité et partagées par tous.
Premier cas, la roue n’est pas en contact avec le sol et tourne sur elle-même.
L’extrémité du rayon va décrire une circonférence. Si on veut décrire son trajet par rapport au centre en suivant son déplacement dans le sens des aiguilles d’une montre, on constatera qu’à partir de l’horizontale, dans le premier quart, il descend et recule ; dans le second quart, il remonte et recule. Dans la première moitié de son déplacement il est passé de son point le plus avant au point le plus arrière. Dans le troisième quart, l’extrémité monte et avance puis dans le derniers : avance et descend.
Par analogie on verrait le membre supérieur du nageur réaliser son passage dans l’eau dans la première moitié de la rotation et dans l’air dans la seconde moitié. Le référentiel serait l’épaule du nageur.
Second cas : Que devient la trajectoire de cette extrémité du rayon lorsque la roue tourne à la fois sur elle-même tout en adhérant au sol ?
Pour faciliter la comparaison nous avons conservé la même situation de départ. Par rapport à un point fixe extérieur, le sol par exemple, l’extrémité du rayon dans chaque quart de cercle réalisé par la rotation de la roue : avance et descend, puis avance et monte, puis avance et monte et enfin avance et descend.
A aucun moment l’extrémité du rayon ne recule. Le point bas est appelé point de rebroussement. Chaque extrémité de chaque rayon prend appui sur un point fixe ! (ou plus précisément fixé le temps de l’adhérence)
Qu’en est-il des membres supérieurs du nageur ?
Par rapport à un point fixe extérieur il réalise en même temps une rotation et une translation
Pour expliciter la disparition d’un point de rebroussement fixe au profit de l’apparition d’une boucle nous avons imaginé un dispositif permettant à l’extrémité du segment qui pivote de se déplacer plus rapidement que l’ensemble qu’il déplace par sa rotation.
Pour une même vitesse angulaire de rotation, l’extrémité d’un rayon prolongé décrira un trajet plus long avec une vitesse linéaire supérieure.
La roue se déplace à la vitesse de son rayon non prolongé tandis que l’extrémité se déplace plus rapidement entraînant l’apparition d’une boucle.
Par analogie, si le propulseur se déplace plus rapidement que le substrat qu’il met en mouvement on verra apparaître une boucle.
Ainsi l’apparition d’une boucle décrite par l’extrémité d’un propulseur est incompatible avec l’existence d’un point d’appui fixe.
Chez le nageur, le propulseur ne se réduit pas à un segment de droite pivotant autour de l’articulation proximale. Il comporte une partie distale articulée ou « pale » susceptible de prendre et conserver une certaine orientation tandis que la rame pivote autour d’un axe.
Il en résultera des altérations de la « régularité » et de la symétrie de la trajectoire également spécifiques des nageurs dont elles seraient une signature.
Les traces obtenues ci-dessus et ci-dessous l’on été avec un appareil photographique immergé et fixe, en « pose », le nageur était équipé de lampes aux poignets et aux chevilles. Il se déplaçait de profil par rapport au preneur de vues.
Ce modèle de la roue apporte une contribution à l’étude de la propulsion chez le nageur qui est bien loin d’être épuisée.
Il apporte cependant aux entraîneurs et formateurs des informations susceptibles de guider leurs stratégies et leurs démarches dans l’activité quotidienne.
Il ouvre un champ de réflexion aux théoriciens.
raymond